Création, reproduction, restauration

La genèse

La transmission, au delà de consister à préparer les générations futures à la responsabilité et à l’engagement, est aussi une affaire de don naturel et d’hérédité. De mon ascendance maternelle, en particulier de mon grand-père (paysagiste de profession, aquarelliste et sculpteur, bricoleur hors pair), j’ai la chance d’avoir hérité de dons pour la pratique artistique et la recherche du beau. Plusieurs membres de la famille font de la création artistique leur profession, non sans succès. Parmi lesquels Laetitia de Bazelaire, Thibault de Corval, Servanne Mary, Armande et Geoffroy de Bazelaire, Louis-Albin de Chavagnac… Je dessine depuis ma plus tendre enfance ; j’ai aussi la chance d’avoir reçu un esprit pratique que rien n’arrête et des mains adroites de par ma lignée paternelle ; j’ai confirmé ces talents en restaurant une vieille maison, manipulant l’ensemble des matériaux de construction (plâtres, chaux et ciments).

C’est vers 45 ans que je me lance, mu par un élan intérieur puissant, dans un premier modelage. De ce modelage, jaillit un homme, recroquevillé, nu, semblant écrasé par le poids dont le sens est celui que chacun veut bien lui donner. C’est l’homme moderne. Certainement un autoportrait, qui me jaillit des mains en moins d’une heure. Ma femme, tombant sur le modelage me dit : « Bertrand, continues, tu as de l’or dans les mains ».

Ensuite, je me force à travailler, sans intuition, sans inspiration. Je ne fais que des modèles creux, froids, vides et morts. Devant ce constat, j’arrête les dégâts.

Le projet

Et puis, au cours de la rédaction de mon projet de livre qui paraitra aux Éditions Artège et intitulé « Accomplir sa vie d’homme », je médite la figure de saint Joseph comme modèle de paternité. Dans mon cœur point le désir de lui réaliser une statue, trouvant qu’il est souvent représenté éteint, mou, maigrelet, vieux, voire malingre. Pas le type à qui on a envie de ressembler comme père, pas celui dont on aimerait être le fils. Une aberration mentale : comment Dieu se serait-il choisi un père absent, silencieux et faible ?

Je décide alors de créer une statue. Mais je n’ai aucune idée de la manière dont je voudrais le représenter. Je n’ai pas d’image, aucune vision, ni pratique, ni symbolique. Je le veux à la fois jeune, vaillant, présent, humble, fort et vigoureux. Six mois s’écoulent sans la moindre lumière.

L’inspiration

Un bon ami me propose de le remplacer dans son rôle de roi mage lors de la marche des Rois à Versailles en 2021. J’accepte cette drôle d’aventure qui consiste à incarner Gaspard et de suivre tout un programme entre la place du Marché de Versailles jusqu’à l’église Notre Dame, en passant en procession sur un dromadaire rue de la Paroisse.

Et c’est au beau milieu de l’allée centrale, quand je remonte l’enfant Jésus joué par un adorable bébé, que l’intuition me tombe brutalement dans le cœur comme une évidence : « C’est comme cela que je veux saint Joseph » : en effet, il correspond en tout point à l’idée que je m’en fais : il porte Jésus, et le présente au monde. Il avance, c’est-à-dire qu’il est en mouvement, penché vers l’avant, il n’est ni assis, ni passif, ni statique. Il est caché par Jésus, de face, on ne le voit pas. Il ne voit pas où il va, il est comme guidé par son fils divin (on pense aux songes de Joseph). Mais sans lui, l’enfant Jésus ne pourrait rien faire.

L’aventure de la création

C’est décidé, je me lance. Je ne suis pas à une idée folle près. Je créé un petit modèle en argile, que ma femme trouve très touchant. Il est tout de guingois, les jambes trop courtes, les visages naïfs. Ma femme le publie sur les réseaux sociaux (l’amour doit vraiment rendre aveugle) et, surprise, les réactions élogieuses ne se font pas attendre.

Je décide alors de créer une véritable statue. Mais il va falloir me perfectionner. Je prends des cours pour apprendre la morphologie et les techniques de modelage. Mgr Rey me met en relation avec Luc de Moustier, sculpteur, entre autres merveilles, du saint Joseph de la Marche des pères, qui me propose de venir le voir pour parler de mon projet. Saint Joseph, ça lui parle ! Luc m’invite généreusement à créer ma sculpture dans son atelier de Boulogne à partir d’un modèle nu. Il m’apprend à tirer un plan de joint depuis ma statue d’argile, nous en tirons le modèle définitif en plâtre. J’apprends, je suis fasciné, je prends beaucoup de plaisir notamment en découvrant l’aspect caché « bricole » de l’artiste.

Et je continue en suivant les précieux conseils de Luc. Les drapés, puis Jésus, pour arriver enfin à la statue originale dont je vais pouvoir tirer un moule afin de la reproduire et la vendre à un prix raisonnable. Cette statue mesure 45cm.

Et puis comme j’aime faire plusieurs choses à la fois, je décide de créer un modèle de 65cm.

Création des moules de production

J’avais déjà utilisé le silicone pour des moules simples, après avoir étudié la création de moules 3D complexes, je me lance. Mon parrain parvient bien à mouler des pièces très complexes, pourquoi pas moi ? Création d’un rebours large en terre avec repères de jointoiement pour accueillir le silicone, pose du silicone armé de fibre de verre (attention aux bulles !), création de la chape en résine acrylique armée. Le modèle représente une complexité supplémentaire car je dois créer deux moules : celui de Joseph et celui de Jésus. Je les assemble une fois coulés avec la matière de coulage.

Ouf, j’arrive à mes fins, mais tant qu’on n’a pas coulé une statue, on ne sait pas si tout le travail réalisé est opérationnel… Petit moment de stress vu le nombre d’heures passées !

Moulages de production

Et voilà les premiers tirages du grand moule (65cm), après nettoyage des jonctions de moules et des coulures, élimination des bulles prisonnières et assemblage des deux pièces :

C’est parti !

Je me lance avec la production d’œuvres complémentaires à découvrir sur cette page.